Cancer: "Un rapport partiel, voire partial"
>"> Un rapport publié par l'Académie de Médecine révèle que les principales causes du cancer résident dans notre mode de vie bien plus que dans la pollution. Faux, répond le professeur Dominique Belpomme de l'Association pour la recherche thérapeutique et anti-cancéreuse. Il est à l'origine de "L'Appel de Paris" sur les dangers de la pollution.
Dans un rapport publié jeudi, l'Académie de Médecine et le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) estiment que les cancers ont essentiellement pour origine des comportements individuels à risque, tels que le tabagisme et l'alcoolisme. Qu'en pensez-vous?
C'est un rapport copieux, fait par des scientifiques compétents. Mais il n'apporte rien de nouveau. Il redit que le tabagisme et l'alcoolisme sont des facteurs importants à l'origine du cancer. Selon ce rapport, 0,5% des cancers ont pour origine la pollution chimique de l'environnement. Ce n'est pas possible. Nous reviendrions ainsi à un taux inférieur à celui avancé en 1981 par des chercheurs anglo-saxons qui soutenaient que la pollution était directement responsable de 1% de mort par cancers. Cela voudrait dire que la pollution a régressé depuis ces 25 dernières années. C'est impossible. Ce rapport ne fait d'ailleurs pas l'unanimité parmi les scientifiques et médecins que j'ai rencontrés.
Selon vous, quelle est la proportion des cancers liés à la pollution en France?
Dans ce rapport, on nous dit que dans 45% des cas, les causes de cancer sont identifiables. Qu'en est-il des 50% restant? Implicitement, les scientifiques qui ont réalisé ce rapport reconnaissent donc qu'il existe d'autres causes du cancer, lesquelles : là est toute la question?
De nombreuses études, notamment britanniques et américaines, prouvent le lien de causalité entre cancer et pollution. Ces études se basent sur des analyses toxicologiques et biomoléculaires. L'hypothèse que nous avons avancée est qu'au moins 50% des cancers, si ce n'est les deux-tiers, sont liés aux modifications chimique, physique et biologique, de notre environnement, en particulier aux fameuses substances CMR (cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques), qui sont internationalement reconnue comme pouvant être à l'origine de cancers.
Selon ce rapport, 0,5% des cancers sont donc liés à la pollution. Vous avancez les chiffres de 50% voire des deux-tiers. Comment arrivez-vous à des conclusions aussi diamétralement opposées?
C'est une question de méthode. Je déplore le fait que ce rapport se base uniquement sur des analyses épidémiologiques. Il ne s'agit donc pas d'un rapport sur les causes des cancers comme indiqué, mais sur les facteurs de risque, autrement dit les facteurs favorisant l'émergence des cancers. On prend une série de malades, on analyse et on compare à des témoins. Ce rapport aurait du faire état des études toxicologiques et biomoléculaires internationalement reconnues pour interpréter les résultats épidémiologiques obtenues. Cela n'a malheureusement pas été le cas, ce rapport est donc partiel, voire même partial.
En outre, il ne correspond pas au ressenti de la population. Un malade qui ne fume pas et ne boit pas ne comprendra pas qu'on lui explique que sa maladie est sans cause. Cela va également à l'encontre des données de santé publique de notre pays : les chiffres du tabagisme et de l'alcoolisme sont en baisse, or, on constate une augmentation du nombre de cancers.
Dans ce rapport, on relativise la hausse du nombre de cancers, en précisant qu'il faut la rapporter à l'augmentation et au vieillissement de la population française, ainsi qu'aux meilleures méthodes de dépistage. Qu'en pensez-vous?
Depuis 20 ans, il y a 30% de cancers en plus. Cette augmentation est exprimée en taux standardisée qui gomme l'effet de l'âge et celui de l'augmentation de la population. De plus, le dépistage n'est certainement pas en cause puisqu'il est apparu après le début de cette augmentation. En revanche, la mortalité a peu diminué. En dépit des progrès, elle stagne chez les femmes et elle a très peu diminué chez les hommes.
Craignez-vous qu'avec un tel rapport, les priorités soient mal définies?
Si on se concentre uniquement sur la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, on n'arrivera jamais à éradiquer complètement la maladie. Il faut donc que le Plan national cancer soit réorienté en faveur de la prévention environnementale, en tenant compte de l'ensemble des données actuelles liant causalement cancer et environnement. Ce rapport tombe mal, au moment des négociations du Grenelle et on peut se demander s'il n'est pas un fait exprès. Avec de telles conclusions, les industriels et les pouvoirs publics vont penser qu'il est anodin de continuer à polluer. C'est extrêmement grave. C'est un véritable retour en arrière en matière de prévention. Le cancer tue au moins 150 000 personnes chaque année en France. Il est donc urgent d'apporter des réponses en vertu du principe de précaution. C'est ce qu'a fait le corps médical en établissant une plate-forme commune de 7 propositions dont le renforcement du Plan national santé environnement (PNSE), un moratoire concernant l'incinération, une réduction d'utilisation des pesticides et surtout un redéploiement du Plan national cancer.
Le Professeur Belpomme est chercheur à l'Association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse (Artac). Il a publié Guérir du cancer ou s'en protéger, chez Fayard, en 2005.
Dans un rapport publié jeudi, l'Académie de Médecine et le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) estiment que les cancers ont essentiellement pour origine des comportements individuels à risque, tels que le tabagisme et l'alcoolisme. Qu'en pensez-vous?
C'est un rapport copieux, fait par des scientifiques compétents. Mais il n'apporte rien de nouveau. Il redit que le tabagisme et l'alcoolisme sont des facteurs importants à l'origine du cancer. Selon ce rapport, 0,5% des cancers ont pour origine la pollution chimique de l'environnement. Ce n'est pas possible. Nous reviendrions ainsi à un taux inférieur à celui avancé en 1981 par des chercheurs anglo-saxons qui soutenaient que la pollution était directement responsable de 1% de mort par cancers. Cela voudrait dire que la pollution a régressé depuis ces 25 dernières années. C'est impossible. Ce rapport ne fait d'ailleurs pas l'unanimité parmi les scientifiques et médecins que j'ai rencontrés.
Selon vous, quelle est la proportion des cancers liés à la pollution en France?
Dans ce rapport, on nous dit que dans 45% des cas, les causes de cancer sont identifiables. Qu'en est-il des 50% restant? Implicitement, les scientifiques qui ont réalisé ce rapport reconnaissent donc qu'il existe d'autres causes du cancer, lesquelles : là est toute la question?
De nombreuses études, notamment britanniques et américaines, prouvent le lien de causalité entre cancer et pollution. Ces études se basent sur des analyses toxicologiques et biomoléculaires. L'hypothèse que nous avons avancée est qu'au moins 50% des cancers, si ce n'est les deux-tiers, sont liés aux modifications chimique, physique et biologique, de notre environnement, en particulier aux fameuses substances CMR (cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques), qui sont internationalement reconnue comme pouvant être à l'origine de cancers.
Selon ce rapport, 0,5% des cancers sont donc liés à la pollution. Vous avancez les chiffres de 50% voire des deux-tiers. Comment arrivez-vous à des conclusions aussi diamétralement opposées?
C'est une question de méthode. Je déplore le fait que ce rapport se base uniquement sur des analyses épidémiologiques. Il ne s'agit donc pas d'un rapport sur les causes des cancers comme indiqué, mais sur les facteurs de risque, autrement dit les facteurs favorisant l'émergence des cancers. On prend une série de malades, on analyse et on compare à des témoins. Ce rapport aurait du faire état des études toxicologiques et biomoléculaires internationalement reconnues pour interpréter les résultats épidémiologiques obtenues. Cela n'a malheureusement pas été le cas, ce rapport est donc partiel, voire même partial.
En outre, il ne correspond pas au ressenti de la population. Un malade qui ne fume pas et ne boit pas ne comprendra pas qu'on lui explique que sa maladie est sans cause. Cela va également à l'encontre des données de santé publique de notre pays : les chiffres du tabagisme et de l'alcoolisme sont en baisse, or, on constate une augmentation du nombre de cancers.
Dans ce rapport, on relativise la hausse du nombre de cancers, en précisant qu'il faut la rapporter à l'augmentation et au vieillissement de la population française, ainsi qu'aux meilleures méthodes de dépistage. Qu'en pensez-vous?
Depuis 20 ans, il y a 30% de cancers en plus. Cette augmentation est exprimée en taux standardisée qui gomme l'effet de l'âge et celui de l'augmentation de la population. De plus, le dépistage n'est certainement pas en cause puisqu'il est apparu après le début de cette augmentation. En revanche, la mortalité a peu diminué. En dépit des progrès, elle stagne chez les femmes et elle a très peu diminué chez les hommes.
Craignez-vous qu'avec un tel rapport, les priorités soient mal définies?
Si on se concentre uniquement sur la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme, on n'arrivera jamais à éradiquer complètement la maladie. Il faut donc que le Plan national cancer soit réorienté en faveur de la prévention environnementale, en tenant compte de l'ensemble des données actuelles liant causalement cancer et environnement. Ce rapport tombe mal, au moment des négociations du Grenelle et on peut se demander s'il n'est pas un fait exprès. Avec de telles conclusions, les industriels et les pouvoirs publics vont penser qu'il est anodin de continuer à polluer. C'est extrêmement grave. C'est un véritable retour en arrière en matière de prévention. Le cancer tue au moins 150 000 personnes chaque année en France. Il est donc urgent d'apporter des réponses en vertu du principe de précaution. C'est ce qu'a fait le corps médical en établissant une plate-forme commune de 7 propositions dont le renforcement du Plan national santé environnement (PNSE), un moratoire concernant l'incinération, une réduction d'utilisation des pesticides et surtout un redéploiement du Plan national cancer.
Le Professeur Belpomme est chercheur à l'Association pour la recherche thérapeutique anti-cancéreuse (Artac). Il a publié Guérir du cancer ou s'en protéger, chez Fayard, en 2005.
0 Comments:
Enregistrer un commentaire
<< Home