18 août 2007


Le rôle majeur de la reptine dans le cancer du foie : une nouvelle cible thérapeutique

Le carcinome hépatocellulaire (CHC), la forme la plus courante de cancer du foie, compte parmi les cancers les plus fréquents, mais aussi parmi les plus inquiétants, avec un pronostic généralement très mauvais et des possibilités de traitement très limitées. Une équipe de l’Inserm, coordonnée par Jean Rosenbaum, Directeur de l’Unité Inserm 889 « Fibrose hépatique et cancer du foie » (Bordeaux), tente de trouver de nouvelles cibles thérapeutiques contre le CHC. En étudiant les protéines du foie, les chercheurs ont ainsi démontré que la reptine jouait un rôle important dans le développement d’un CHC et pouvait éventuellement servir de cible à de nouveaux traitements. Ces résultats sont publiés dans l’édition online de la revue Hepatology.

Le carcinome hépatocellulaire (CHC) est la forme la plus courante de cancer du foie. Il est responsable de 90 % des tumeurs hépatiques malignes chez l'adulte et figure à la cinquième place des cancers les plus fréquents au monde. En France, comme dans les autres pays occidentaux, l’incidence de ce cancer est en forte augmentation depuis 20 ans, principalement en raison de la progression des cas de cirrhose dus au virus de l’hépatite C. Le carcinome hépatocellulaire se développe, dans la plupart des cas, à la suite d’une cirrhose.

Ce cancer primitif du foie cumule plusieurs difficultés sur le plan du diagnostic et du traitement. Bien souvent, la maladie ne montre aucun signe, ou les symptômes qui apparaissent ne sont pas spécifiques (douleurs abdominales, fièvre, fatigue, etc.). Si bien qu’elle n’est diagnostiquée que tardivement, à un stade déjà avancé dans de nombreux cas. De plus, les possibilités thérapeutiques (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie, etc.) sont très réduites.

Trouver de nouvelles cibles thérapeutiques

Toutefois, des recherches sont actuellement menées sur la mise au point de nouvelles thérapies ciblées. Dans cette perspective, les travaux de Jean Rosenbaum et de ses collaborateurs visent à identifier de nouveaux mécanismes et de nouvelles cibles dans le cancer du foie. En réalisant une analyse de protéome(1), ils ont comparé les protéines présentes dans les cellules cancéreuses à celles présentes dans la partie non cancéreuse du foie. Les chercheurs ont alors constaté que certaines protéines étaient présentes en quantité plus abondante dans la partie cancéreuse, et notamment la reptine, ou RUVBL2.
Grâce à une centaine d’échantillons de CHC prélevés sur des patients, ils ont également montré que cette surexpression de reptine était associée à un plus mauvais pronostic global.

Afin de savoir si la reptine jouait directement un rôle dans la progression tumorale, ils ont ensuite artificiellement modifié son niveau d’expression dans des cellules de CHC humaines. Les chercheurs ont alors constaté que la diminution de la quantité de reptine dans les cellules cancéreuses provoquait l’arrêt de la croissance des cellules, puis leur mort, tandis qu’une augmentation de la quantité de reptine permettait aux cellules cancéreuses de former des tumeurs plus volumineuses après leur implantation chez des souris.

La reptine : un rôle clé dans le cancer du foie

Cette protéine est connue depuis une dizaine d’années, mais c’est la première fois qu’uneétude lui attribue clairement un rôle important dans le développement d’un cancer et le prouve expérimentalement, grâce à une analyse du protéome. Ces résultats apportent ainsi un nouvel éclairage sur les mécanismes de la carcinogenèse du foie et suggèrent que la reptine constitue une nouvelle cible thérapeutique potentiellement intéressante.

A l’avenir, l’équipe de Jean Rosenbaum cherchera à mieux comprendre les mécanismes d’action de la reptine. Les travaux futurs, qui mobiliseront plusieurs collaborations au sein du Cancéropôle du Grand Sud-Ouest, tenteront de confirmer que la reptine pourrait être la cible de nouveaux traitements anticancéreux.

1 Ensemble des protéines synthétisées à partir d’un génome.

Sources
“Overexpression and role of the ATPase and putative DNA helicase RuvB-like 2 in human hepatocellular carcinoma”
Benoît Rousseau1,2, Ludovic Ménard1,2, Valérie Haurie1,2, Danièle Taras1,2, Jean-Frédéric Blanc1-3, François Moreau-Gaudry2,4, Philippe Metzler1,2, Michel Hugues1,2, Sandrine Boyault5, Sylvie Lemière6,7, Xavier Canron6,7, Pierre Costet8, Michael Cole9, Charles Balabaud1-3, Paulette Bioulac- Sage1-3, Jessica Zucman-Rossi5, Jean Rosenbaum1,2.
1 Unité Inserm 889 « Fibrose hépatique et cancer du foie », Bordeaux, F-33076 France.
2 Université Victor Segalen Bordeaux 2, IFR 66 « Pathologies infectieuses et cancers : aspects biologiques et thérapeutiques », Bordeaux, F-33076 France.
3 CHU, Groupement des Spécialités Digestives, Bordeaux, F-33076 France.
4 Unité Inserm 876 « Transfert de gènes à visée thérapeutique dans les cellules souches », Bordeaux, F-33076 France.
5 Unité Inserm 674 « Génomique fonctionnelle des tumeurs solides », CEPH, IUH, Paris, F-75010 France.
6 Equipe Inserm E113 « Mécanismes moléculaires de l’angiogenèse », Talence, F-33405 France.
7 Université Bordeaux 1, IFR 66 « Pathologies infectieuses et cancers : aspects biologiques et thérapeutiques », Talence, F-33405 France.
8 Université Victor Segalen Bordeaux 2, Animalerie spécialisée, Bordeaux, F-33076 France.
9 Dartmouth Medical School, Department of Pharmacology and of Genetics, Lebanon, NH 03756 USA. Hepatology, 26 juillet 2007, DOI: 10.1002/hep.21770

Contact chercheur
Jean Rosenbaum
Directeur de l’Unité Inserm 889 « Fibrose hépatique et cancer du foie »
E-mail : jean.rosenbaum@gref.u-bordeaux2.fr