15 juin 2007

La panoplie des armes contre le cancer comprend des agents cytotoxiques, la classique chimiothérapie qui détruit les cellules cancéreuses mais aussi des cellules saines, et des agents cytostatiques qui interrompent la croissance tumorale, celle-ci reprenant si le traitement est arrêté.Il y a dix ans, on disposait d'une cinquantaine de molécules cytotoxiques et d'une ou deux molécules antihormonales, pour bloquer la croissance de la tumeur sans pour autant la détruire. Aujourd'hui, le nombre de cytotoxiques s'est accru et les molécules antihormonales se sont multipliées. Il y a eu des échecs, et il reste des domaines dans lesquels les progrès se font toujours attendre. Mais beaucoup des pistes dont les chercheurs disposaient il y a dix ans ont débouché sur des traitements et permis une amélioration de la survie des personnes concernées.
Les nouvelles générations de médicaments mis au point ou encore à l'étude agissent sur la participation des cellules normales à la croissance des cancers. Ils fonctionnent selon trois grands mécanismes : l'inhibition de ce qui favorise la croissance tumorale, la restauration du fonctionnement de certains gènes, le renforcement des défenses par le système immunitaire.De nombreuses combinaisons de médicaments ayant des mécanismes d'action différents sont possibles. En particulier, l'étude des effets des molécules en fonction du moment où elles sont utilisées pourrait déboucher sur la mise au point de séquences optimisées : tel médicament, telle association, et dans tel ordre. Cette approche pourrait être encore améliorée en la combinant à une utilisation des molécules pour tel ou tel sous-type de cancer. Mais cela pose des problèmes, tant les études nécessaires sont lourdes à monter et nécessitent des effectifs importants.Outre la caractérisation du profil génétique individuel, le traitement des cancers sera peut-être bouleversé, demain, si l'on parvient à bien caractériser les cellules souches d'une tumeur. C'est à partir d'elles que se produit la prolifération tumorale. En étudiant les gènes présents dans ces cellules, nous parviendrons peut-être à d'identifier ceux sur lesquels agir pour supprimer la programmation des cellules souches. Cela leur ferait perdre la capacité de se reproduire éternellement.

Il y a dix ans, quelles étaient les pistes pour de nouvelles armes thérapeutiques contre le cancer ?

A l'époque, en dehors de la chirurgie et de la radiothérapie, les traitements reposaient sur les médicaments cytotoxiques, qui détruisent les cellules, et antihormonaux. Nous connaissions un certain nombre de cibles pharmacologiques possibles, comme certains mécanismes qui s'emballent dans les cancers, avec lesquels il paraissait possible d'interférer.Différentes catégories de cellules existent dans un cancer : des cellules tumorales, des cellules normales appartenant au tissu conjonctif, ainsi que celles des vaisseaux, qui sont indispensables à la croissance du cancer. Dès qu'une tumeur dépasse un volume de 1,3 mm, elle a besoin de nouveaux vaisseaux pour que son centre ne soit pas privé d'oxygène. C'est le phénomène d'angiogenèse.Les cibles des traitements ont donc été les nouveaux vaisseaux, les interactions entre les cellules tumorales et celles du tissu sain, ou encore la combinaison de plusieurs cibles.

Comment a-t-on imaginé cibler les néo-vaisseaux, et pour quels cancers cette stratégie a-t-elle été appliquée ?
Ces néo-vaisseaux existent dans pratiquement tous les cancers. Deux pistes ont été suivies, qui ont toutes deux débouché sur des médicaments. D'une part, des anticorps dirigés contre les facteurs de croissance vasculaire impliqués dans la prolifération tumorale et, d'autre part, des molécules inhibant l'activation de ces facteurs de croissance en bloquant leurs récepteurs.La catégorie de médicaments anti-angiogenèse la plus fournie est celle des anticorps dirigés contre les facteurs de croissance. Ils sont actifs dans les cancers du sein, du rein, de l'ovaire, et les cancers colo-rectaux et bronchiques. Il est probable qu'ils puissent s'appliquer à tous les cancers. Cependant, les anticorps stoppent la croissance tumorale sans faire régresser la tumeur. Ils sont donc utilisés en combinaison avec la chimiothérapie classique.La tolérance des anticorps n'est pas mauvaise, mais ils donnent fréquemment de l'hypertension artérielle et peuvent entraîner un risque de thrombose ou d'hémorragie. On évite donc de les utiliser lorsque des gros vaisseaux participent à la vascularisation de la tumeur.


Qu'en est-il des autres médicaments anti-angiogenèse, les médicaments bloquant les récepteurs des facteurs de croissance ?
Cinq récepteurs ont été identifiés et quatre médicaments sont actuellement disponibles. Ils ont d'abord été utilisés avec succès sur le cancer du rein, au cours duquel la vascularisation joue un rôle majeur, puis sur le cancer primitif du foie. Des études sont menées sur les cancers du sein et broncho-pulmonaire, mais nous n'avons pas encore de résultats définitifs.Nous ne savons pas encore si les anticorps seraient plus efficaces en combinaison avec des inhibiteurs de récepteur, ou s'ils donnent les mêmes résultats quels que soient les cytotoxiques auxquels on les associe.

Vous évoquiez une autre approche, ciblant l'interaction entre les cellules tumorales et le tissu normal...

Pour envahir le tissu normal, les tumeurs ont besoin d'enzymes qui vont détruire le tissu conjonctif, comme les métalloprotéinases. Leur expression est stimulée par des facteurs de croissance, des cytokines, des promoteurs de tumeurs, etc. Il s'agit, là encore, d'un phénomène général dans les cancers. D'où la piste de médicaments inhibant ces métalloprotéinases.Cependant, ces molécules n'ont pratiquement pas démontré d'efficacité dans le cancer, sans que l'on en comprenne la raison. De nouvelles études sont en cours, notamment pour savoir si ces molécules seraient efficaces à un moment donné de la prolifération tumorale. L'utilisation en combinaison avec la chimiothérapie n'a pas montré d'effet synergique.