17 octobre 2006


Marie-Hélène Boucand, médecin, malade et membre du conseil d’administration de l’association française du syndrome d’Ehlers-Danlos, vient de publier un témoignage, "Le corps mal-entendu". Voici la quatrième de couverture de cet ouvrage.

(...) Au sein de la médecine de rééducation, j'avais choisi de m'occuper des personnes cérébro-lésées. Je m'acharnais à comprendre les troubles du langage et traduire des expériences qui n'avaient plus les mots pour se dire. Un désir profond d'être présente là où l'insupportable souffrancese vivait. M'obstiner à reconnaître que la vie était là, malgré tout.(...)
(...) J'ai toujours eu du mal à me réjouir de la vie reçue, donnée. En reconnaître les signes même minimes chez l'autre, m'aidait à les reconnaître chez moi. Une vraie petite école, au jour le jour, dans les événements des plus simples aux plus étonnants. (...)
(...) Et puis un jour, lors d'une rencontre anodine, un ami se mit à parler de la « miséricorde de Dieu ». Mais j'avais entendu autre chose que l'énoncé de la miséricorde qui était pour moi une vérité dont je n'avais probablement pas encore fait l'expérience intime. Je venais d'entendre la réponse que je cherchais depuis des semaines, et je lui répétais : tu as dis « la Misère est Corps de Dieu », as-tu entendu ce que tu as dit ? Lui n'avait rien compris, mais moi, je venais de recevoir une lueur cachée au coeur de la souffrance. Oh ! elle n'expliquait rien, ne justifiait rien, elle me donnait simplement des forces de vie plus grandes que celles, destructrices et mortifères, de la seule souffrance à l'état brut. Dans ma Foi, je découvrais la certitude que Dieu était bien là, avec nous, avec moi, au coeur de ce chaos de l'humanité en cris, en recherche de sens, et qu'il faisait « misère et corps » avec nous. (...)

(...) Nous nous sommes vraiment connues pour mes 40 ans. Heureuse, je fêtais cet anniversaire avec des amis et tu as fait irruption dans ma vie. Réservée au début puis plus présente, tu n'as pas cessé de frapper à ma porte. Et tu t'es révélée. (...)

(...) Insidieuse, perfide, tenace, têtue, traître, obsédante, violente, cruelle, tu es là et tu m'épuises. Tu essaies de me détruire - et tu y arrives parfois à force de persévérance !... Par tes attaques multiples, répétées, incessantes, lancinantes, tu touches tout mon corps. J'ai la sensation de ne plus avoir d'espace de liberté, tu dévastes tout sur ton passage : mes articulations qui se luxent au moindre effort, mon appareil digestif nécessitant l'ablation du colon, mes vaisseaux qui ne savent plus bien retenir le plasma et se craquellent au moindre choc. Tu fais mal. Tu limites de plus en plus mon autonomie, un peu plus chaque jour. Tu me fatigues, m'épuises, me morcelles, m'émiettes... (...)
(...) Liée à la vie même, à ma naissance, tu es là parce que je suis née avec mon bagage génétique. Une simple erreur de décryptage et te voilà en scène ! Tu t'es infiltrée dans l'histoire de ma famille. Tu as déjà provoqué la mort chez d'autres amis malades. (...)
(...) Tu es plus forte que moi et le combat est inégal. Mais nos mots ne sont pas identiques. Les miens sont ceux de la parole et veulent te dénoncer. Toi, tu n'utilises pas ces mots-là, tu ne peux pas. C'est là ma force. (...)
(...) Maladie qui m'habite, tu me fais mal et tu le sais. Je te hais. Contre toi ces quelques pages, pour trouver
(...) J'ai eu souvent ce sentiment que l'évocation de ce que je vivais était reçue comme une plainte. Et c'est une réelle souffrance pour moi : une valeur ajoutée à la parole, qui, progressivement m'interroge sur la limite de pouvoir prendre le risque de partager, en vérité, des événements difficiles et récurrents. Le souci de ne pas être trop lourde pour les autres est devenu constant. L'exigence de ne pas « en rajouter » est fondamentale. (...)
(...) J'ai envie de nous inviter tous à accepter que l'autre puisse dire sa souffrance, en apprenant simplement à l'entendre, à l'écouter, à être présent à la parole dite, en acceptant de renoncer à notre désir de vouloir toujours « tout faire ». (...)
"Le corps mal-entendu"
Marie-Hélène Boucand

1 Comments:

Blogger Monique said...

Excusez moi, mais ce livre ce témoignage peut être utile pour certain de nous ...

mardi, 17 octobre, 2006  

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